Le Théâtre La Criée rouvre mais sans spectacles, "nous ne sommes pas un dispensaire", Macha Makeïeff

Alors que les théâtres sont autorisés à reprendre ce 2 juin, La Criée n’ouvrira au public qu’en septembre. En attendant, le théâtre propose sa scène à la jeunesse défavorisée de Marseille sous forme d’ateliers de découverte et de pratique.
 

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Le théâtre national de Marseille a rouvert ses portes ce mardi 2 juin. Le restaurant a également repris. Mais pas la programmation. Des ateliers sont proposés en attendant la rentrée.

Dans un entretien qu'elle nous a accordé, la directrice de La Criée, Macha Makeïeff, s’explique.

Qu’avez-vous retiré du confinement ?

"Il y a eu la sidération, tous les artistes déçus. Du coup, on a beaucoup échangé. Cela nous a portés vers une réflexion sur l’économie durable du spectacle… Cela nous a ouvert l’esprit aussi.

Le spectacle empêché, c’est toujours une expérience pénible. C’est une grande tristesse, mais il faut réagir et garder le sens de la mission d’un théâtre comme le nôtre."

Le confinement a été un trou noir d’art et de culture

Quelle est la mission du théâtre La Criée ?

"A La Criée, j’ai vraiment envie de voir arriver toute une jeunesse, ces gosses pour qui le confinement a été un trou noir d’art et de culture.

Ils nous sont guidés par plusieurs associations comme ATD Quart-Monde et l’école de la deuxième chance.

Pour eux, enfants, adolescents et jeunes adultes, nous avons lancé l’opération « Rêvons au théâtre Eté 2020 ».

Nous pouvons réfléchir ensemble sur ce moment qu’ils ont traversé,. Et nous souhaitons leur faire découvrir ce qu’est un grand théâtre comme celui-ci".

Pour qu'ils réalisent que le théâtre, c'est toute une chaîne de compétences

Nous leur proposerons de monter sur le plateau pendant 20 minutes, toute la cage de scène, avec les perches, les décors qu’on a suspendus, la lumière, le son. Et nos régisseurs aussi vont parler de leur métier. Pour qu’ils réalisent que le théâtre, c’est toute une chaîne de compétences. Cela représente énormément de métiers." "On va également leur proposer, par groupes de dix, des ateliers d’éducation artistique, de pratique artistique autour du conte, de la parole, de la philosophie, du théâtre et de la danse.

Tout cela est prévu dès ce mois de juin jusqu’à fin août."

Les conditions sanitaires qui nous sont imposées dénaturent le théâtre.

Pourquoi n’avez-vous pas rouvert votre scène en juin?

"Je ne crois pas à la reprise en juin sous les conditions sanitaires qui nous sont imposées. Elles dénaturent le théâtre. Nous ne sommes pas dans un dispensaire.

S’il faut faire rentrer des gens masqués toutes les cinq places, selon une espèce de protocole hygiéniste, c’est le contraire du théâtre…
S’asseoir dans une salle de spectacle, c’est accepter d’avoir un anonyme à droite, un anonyme à gauche.

C’est admettre d’avoir cette expérience-là avec des gens que l’on ne connaît pas à priori."

Pas question de laisser en chemin une compagnie qui aurait été empêchée

Où en est votre programmation ?

"C’est compliqué, et pour les compagnies et pour nous-mêmes.

D’abord, on honore absolument tous nos contrats. Il n’est pas question de laisser en chemin une compagnie qui aurait été empêchée.

En ce moment, nous travaillons avec chaque compagnie pour savoir ce que l’on peut reporter. Pas forcément dans cette saison qui arrive, mais pour celle d’après, en 2021-2022.
"J’ai reporté quelques concerts. Pour une soliste, c’est plus facile, mais pour le théâtre, il y a une telle mise en œuvre…

Mais comme on accompagne souvent nos artistes sur plusieurs saisons, je pense qu’on va réussir à reproposer quelque chose d’intéressant."

Croyez-vous à une véritable reprise en septembre ?

"On saura être prêts. Tous les dix jours, nous avons de très bons signes du ministère qui assouplit les règles, c’est très important.

Je pense qu’on arrivera en septembre, ou même mi-septembre ou octobre, avec à nouveau des usages habituels.

Sinon, on pense aussi à un plan B. Sous la forme d’une autre forme de spectacle.

Il faut quand même que notre public sente d’abord qu’il s’agit ici d’un  théâtre de création, qu’on y invente sans arrêt.

Si on est empêchés, on y invente encore malgré tout."


Il faut trouver une autre façon d’être dans les salles qui ne soit pas cette façon sanitaire.

Par exemple dans le petit théâtre, on a déjà à plusieurs reprises, changé nos habitudes. En retirant les gradins amovibles en les remplaçant par des tables, des chaises, façon cabaret.

Et ce cabaret peut-être très littéraire, très poétique, très drôle, musical, circassien.

Avant le confinement, j’avais trouvé un slogan qui fait du bien « Les joies souveraines ». Il sera placé sur la façade de la Criée.
Car il va falloir plus que jamais le théâtre, même dans ses grandes difficultés, soit vraiment une réjouissance que l’on crée."

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